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                         Avale 
                          ta montre 
                        Culturé, 
                          bien élevé 
                          Besoin de lunettes? 
                          Gaétan 
                          La chanson du vaurien 
                          On efface tout 
                          Mode d’emploi 
                          Les chiffres vont parler 
                          Les viscères  
                          L’usure 
                          Aux quatre coins de la sphère 
                          Qu’à cela n’tienne 
                          L’homme tonneau 
                        Culturé, 
                          bien élevé 
                          À 
                          peine sorti d’ma mère, les infirmières 
                          craquaient pour moi 
                          Et dans la pouponnière, toutes les filles étaient 
                          en émoi 
                          Je crée la sensation, je suis né comme 
                          ça, j’y peux rien 
                          Je suis la perfection, le nec plus ultra masculin 
                        Je 
                          suis la perfection, je le redis, que ce soit clair 
                          L’ultime création, sans mauvais pli, j’ai 
                          tout pour plaire 
                          Je fais bien des jaloux, on m’envie mes nombreux 
                          talents 
                          Les femmes sont à mes genoux, je suis gentilhomme 
                          et charmant 
                        J’ai 
                          trop de sensualité, de charme et d’ingéniosité 
                          Je sais, ça peut paraître odieux, mais 
                          c’est comme ça qu’m’a voulu 
                          Dieu  
                        Culturé, 
                          bien élevé, propre et proportionné 
                          Je suis le fils qu’espèrent avoir tous 
                          les parents 
                          Culturé, bien élevé, propre et 
                          proportionné 
                          L’homme dont toutes les femmes rêvent, un 
                          fabuleux amant 
                        On 
                          m’adule, on m’adore, on m’idolâtre, 
                          on me respecte 
                          Pas seulement pour mon corps, mais bien sûr aussi 
                          pour ma tête 
                          Je crée des commotions, j’inspire les envies 
                          les plus folles 
                          Je soulève les passions, je rends les rigides 
                          frivoles 
                        Mes 
                          frères ont des sales gueules, mes sœurs 
                          ont l’air de boules de quilles 
                          Je relève à moi seul la valeur de toute 
                          ma famille 
                          Le contraste est si grand que la rumeur est unanime 
                          On accuse mes parents d’avoir un fils illégitime 
                        Je 
                          sais, j’ai l’air égocentrique, oui 
                          mais chez moi c’est génétique 
                          Le jour où l’on clonera des hommes, j’pourrai 
                          partager ma personne 
                        C’est 
                          bien d’être parfait, mais parfois c’est 
                          lourd à porter 
                          Ça m’écrase, en effet, tous ces 
                          excès de qualités 
                          Je cultive l’impression que tout un chacun me 
                          déteste 
                          Car, à la conclusion, les gens préfèrent 
                          les gens modestes 
                        Alors 
                          je m’imagine être petit, moche et crétin 
                          Devenir anonyme, avoir un médiocre destin 
                          Mais cette idée m’effraie, du coup, je 
                          redeviens moi-même 
                          Prétentieux, oui c’est vrai, oui mais bon, 
                          c’est mon seul problème 
                        J’accepte 
                          avec humilité ces talents que Dieu m’a 
                          prêtés 
                          C’est mon fardeau, c’est ma pitance, que 
                          d’vivre avec mon excellence 
                        Paroles 
                          : Hugo Fleury 
                          Musique : Hugo Fleury et Polémil Bazar  
                         
                          Besoin 
                          de lunettes? 
                          J’pourrais 
                          vous montrer comment fabriquer des bombes artisanales 
                          J’pourrais vous apprendre à parler le langage 
                          de chaque animal 
                          J’pourrais vous dire c’est quand la fin 
                          du monde  
                          Et quels numéros vont sortir à la loterie 
                          Vous expliquer pourquoi les glaciers fondent 
                        Vous 
                          prouver que Jésus a eu une femme et un bébé 
                          Vous mettre sur le cul, vous balancer vos quatre vérités 
                          J’oserais même dire que j’ai tout 
                          vu, tellement j’ai voyagé 
                          Tout entendu, mais je dois avouer que 
                        J’comprends 
                          rien à vos amours quand vous vous lancez des 
                          assiettes 
                          J’comprends rien à vos discours quand vous 
                          vous gueulez par la tête 
                          J’comprends rien à vos détours quand 
                          vous savez le ch’min direct 
                          J’comprends rien, ça m’joue des tours, 
                          j’ai p’t’être besoin d’lunettes? 
                        J’pourrais 
                          vous faire des copies d’la clé du bonheur 
                          Vous faire une mise à jour, mettre vos pendules 
                          à l’heure 
                          Vous montrer comment vous y prendre et les raccourcis 
                          pour vous rendre 
                          À Rome, à Katmandou, à Roberval, 
                          en enfer ou ailleurs 
                        J’pourrais 
                          vous donner des chiffres et des statistiques 
                          Craquer n’importe lequel système informatique 
                          Expliquer tout, les tsunamis, le Big Bang, le sens de 
                          la vie 
                          Et de la mort aussi, mais ça s’arrête 
                          ici, car 
                        J’me 
                          sens comme un fumeur qui aurait pas d’allumettes 
                          Un beau fruit sans saveur pour décorer l’assiette 
                          Comme un diplôme inutile accroché dans 
                          l’salon 
                          Un tracteur en pleine ville dans le temps des moissons 
                          Ou comme un capitaine d’équipe éliminée 
                          L’armée américaine sans guerre à 
                          déclencher 
                          Je suis un savant décevant, un génie décalé 
                        J’comprends 
                          rien à vos amours quand vous vous lancez des 
                          assiettes 
                          J’comprends rien à vos discours quand vous 
                          vous gueulez par la tête 
                          J’comprends rien à vos détours quand 
                          vous savez le ch’min direct 
                          J’comprends rien à vos bonjours quand vous 
                          vous battez pour des miettes 
                        J’comprends 
                          rien à vos amours 
                          J’comprends rien à vos discours 
                          J’comprends rien à votre humour 
                          J’comprends rien ça m’joue des tours, 
                          j’ai p’t’être besoin d’lunettes? 
                        Paroles 
                          : Hugo Fleury 
                          Musique : Josianne Laberge et Polémil Bazar 
                         
                          Gaétan 
                          La 
                          neige couvre le balcon 
                          J’me sens léger comme un flocon 
                          Aujourd’hui j’m’appelle Gaétan, 
                          j’décroche 
                          Et qu’aucun souci ne m’approche 
                        Fait 
                          divers : l’été fout le camp 
                          Y reste qu’une feuille dans l’boulot blanc 
                          Aujourd’hui j’m’appelle Gaétan, 
                          j’décroche 
                          Et j’tolérerai aucun reproche 
                        Je 
                          n’attends rien, j’ai tout décommandé 
                          Je n’aspire uniquement qu’à respirer 
                          J’commence un roman par la fin 
                          J’écoute un bon vieux Joe Dassin 
                          « No me moleste mosquito… » 
                          L’hiver est blanc, l’hiver est 
                        Beau 
                          dimanche en caleçons 
                          Pourvu qu’le poisson se tienne loin de l’hameçon 
                          Pourvu que rien, mais vraiment rien n’arrive 
                          Et que mon cerveau reste à la dérive 
                          S’égare et ne s’éveille plus 
                          Se soûle de rêve et d’absolu 
                          Skipper solo d’océan blanc 
                          D’mémoire d’hiver, blizzard troublant 
                        Je 
                          m’offre un p’tit tour d’horizon 
                          Sur le sofa du salon 
                          Aujourd’hui j’m’appelle Gaétan, 
                          j’décroche 
                          J’ai ni cœur, ni carré, ni flush 
                        Éphémère 
                          désengagement 
                          J’opère en terrain glissant 
                          Aujourd’hui j’m’appelle Gaétan, 
                          j’décroche 
                          Et rien ne m’fera péter ma coche 
                        Je 
                          n’ressens rien qu’un goût de liberté 
                          Je n’ai ni faim, ni soif à étancher 
                          Le chat qui est coincé dans ma gorge 
                          Ronronne un air de tonton Georges 
                          « Non ce n’était pas le radeau… 
                          » 
                          L’hiver est blanc, l’hiver est… 
                        La 
                          neige couvre le balcon 
                          J’me sens léger comme un flocon 
                          Aujourd’hui j’m’appelle Gaétan, 
                          j’décroche 
                          Rien dans l’coco ni dans les poches 
                        Je 
                          fais d’l’air, je fais du vent 
                          Je m’oblitère un moment 
                          Aujourd’hui j’m’appelle Gaétan, 
                          j’décroche 
                          Subtil et brillant comme un roche 
                        Je 
                          n’comprends rien, tout est trop compliqué 
                          Aucune envie de me faire expliquer 
                          Seul sur mon île sans idée fixe 
                          Au p’tit bonheur surgit Félix : 
                          « Dans ce château y’avait Bozo… 
                          » 
                          L’hiver est blanc, l’hiver est… 
                        Paroles 
                          : Hugo Fleury 
                          Musique : Hugo Fleury et Polémil Bazar 
                         
                          La 
                          chanson du vaurien 
                          Un 
                          mégalomane aux desseins démagos 
                          Un monsieur démesure, une enflure de cinquante-trois 
                          kilos -de trop! 
                          Un illicomane, monté sur ses grands ch’vaux 
                          A quitté le plancher des vaches et s’est 
                          hissé très, très haut 
                        Dernier 
                          de la lignée, l’accident, le raté 
                          Le bâclé, méprisé, mal aimé; 
                          l’émir de la médiocrité 
                          Contre toute attente a vaincu 
                          Contre toute attente est parvenu 
                          Entre autres, à s’enrichir à notre 
                          insu 
                        La 
                          chanson du vaurien qui nous passe un sapin 
                          Avec son p’tit air candide, son phrasé 
                          fluide et ses gants de satin 
                          La chanson du vaurien qui s’en lave les mains 
                          Et dort la conscience tranquille, sans remords inutiles 
                           
                          Et sans scrupules, aucun 
                        C’est 
                          un automate réglé pour faire banco 
                          Roi d’l’avoir à l’usure qui 
                          ne jure que par ses capitaux 
                          Un cogitocrate, dresseur d’abris fiscaux 
                          Maraudeur aguerri débusquant les profits, les 
                          magots 
                        Rachitique 
                          et petit, négligé par la vie 
                          Démuni des outils ravissant les jolies, mais 
                          toujours jalousé, courtisé 
                          Contre toute attente a vaincu 
                          Contre toute attente est parvenu 
                          Entre autres, à s’payer l’honneur 
                          d’être élu 
                        C’te 
                          vieux phallocrate, richissimafioso 
                          Échappa à trois A.C.V., au cancer et aux 
                          impôts 
                          C’te chorizo schlass, mourut comme un héros 
                          En laissant derrière lui un fils aussi pourri 
                          mais plus beau 
                        Honoré, 
                          couronné, décoré, encensé 
                          Acclamé, respecté, révéré; 
                          le pire des meilleurs exemples à donner 
                          « Un homme de vertu, Dieu ait son âme…» 
                          Contre toute attente a vaincu 
                          Contre toute attente est parvenu 
                          Entre autres, à s’offrir son boulevard 
                          et sa statue 
                        La 
                          chanson du vaurien qui nous passe un sapin 
                          Avec son p’tit air candide, son phrasé 
                          fluide et ses gants de satin 
                          La chanson du vaurien qui s’en lave les mains 
                          Et dort la conscience tranquille, sans remords inutiles 
                           
                          Sur ses deux oreilles, du sommeil éternel 
                        La 
                          chanson du vaurien dans son manteau d’sapin 
                          Avec son p’tit air livide, son parfum d’orchidée, 
                          son drapeau canadien 
                          La chanson du vaurien qui s’en lave les mains 
                          Prêt à conquérir le ciel et se faire 
                          immortel 
                          Sans scrupules, aucun 
                        Paroles 
                          : Hugo Fleury  
                          Musique : Thierry Gateau et Polémil Bazar 
                         
                          On 
                          efface tout 
                          Viens 
                          perdre le nord, mettre ton compteur à zéro 
                          Viens t’glisser des mains, laisser valser ton 
                          cerveau 
                          Sors de ce grand corps, défais tes nœuds, 
                          desserre les crocs 
                          Ravale ton fiel et vole, encore un peu plus haut 
                        Ici 
                          les murs fondent au soleil 
                          Comme les soucis, les mots qui courent 
                          Sont d’la frénésie qui s’réveille 
                           
                          Et d’la poésie des basses-cours 
                          Où l’chant des coqs au vin mousseux 
                          Réveille les morts et s’harmonise  
                          Aux hurlements des jours heureux 
                          C’est l’concert des âmes insoumises 
                        On 
                          efface tout c’qui rime avec 
                          Chagrin, rancœur, ennui, misère et abandon 
                          Ça fait des trous qu’on bouche avec 
                          L’euphorie des cœurs évadés 
                          de leur cloison 
                        Montre 
                          tes couleurs, sors le lapin de ton chapeau 
                          Range tes humeurs et fais-nous voir ton numéro 
                          Désobéis-toi, débarrasse tous tes 
                          interdits 
                          Prends ton grabat, lève-toi et marche; on a qu’une 
                          vie 
                        Ici 
                          les portes sont ouvertes  
                          Aux destins les plus improbables 
                          Et les fenêtres se permettent 
                          De nous faire toucher l’impalpable 
                          On ne cherche pas ce qu’on trouve 
                          On suit le filon de nos veines 
                          Tout l’monde est le fils de la louve 
                          Ou bien la fille du capitaine 
                        Si 
                          t’hésites encore à t’embarquer 
                          dans not’ bateau 
                          À mettre le cap au hasard et aux oiseaux 
                          J’t’offre une mer à boire et d’la 
                          chair de lune à manger 
                          J’te donne le vent dans ce p’tit air endimanché, 
                          un vent diablé  
                        Ici 
                          y’a qu’un plafond d’azur 
                          C’est l’infini, c’est l’absolu 
                          Ici t’es partout en lieu sûr 
                          Et si on t’a pas convaincu 
                          On t’fait faire l’essai pour une heure 
                          C’est gratuit, on fournit les ailes 
                          C’est clé en main, c’est du bonheur 
                          Garanti à vie éternelle 
                        Paroles 
                          : Hugo Fleury 
                          Musique : Hugo Fleury et Polémil Bazar 
                         
                          Mode 
                          d’emploi 
                          J’voulais 
                          devenir un grand voleur 
                          Un Robin des Bois, un braqueur 
                          De banques, un vrai justicier 
                          Mais j’ai jamais pu voler l’heure 
                          À un quidam, ni même une fleur 
                          Dans un cimetière à ma bien-aimée 
                        J’voulais 
                          devenir un grand docteur 
                          Soigner les gens de leurs malheurs 
                          P’t’être sauver l’humanité 
                          Mais à la vue du sang, torpeur 
                          Mes membres se figent et la peur 
                          S’empare de moi, je suis sidéré 
                        J’ai 
                          pensé faire curé, j’ai pensé 
                          faire livreur 
                          J’ai pensé piloter des bateaux 
                          Mais j’aime pas trop prier 
                          J’arrive jamais à l’heure 
                          Et vous l’auriez deviné : j’ai peur 
                          de l’eau 
                        J’ai 
                          pensé avocat 
                          J’ai pensé professeur 
                          J’ai même pensé gagner au loto 
                          Mais j’connais pas mes droits 
                          J’suis mauvais orateur 
                          Et vous vous en doutez, j’ai la chance à 
                          zéro 
                        J’ai 
                          des trous dans les dents 
                          Des trous dans les poches et pourtant 
                          Je vois la vie en rose 
                          J’lis pas les modes d’emploi 
                          J’aime pas les canevas qu’on m’impose 
                        J’ai 
                          des trous dans les dents 
                          Des trous dans les poches et pourtant 
                          Ma vie n’est pas morose 
                          J’ai j’té le mode d’emploi 
                          Du bonheur sous hypnose 
                           
                          J’ai voulu devenir facteur 
                          Parfait métier pour un glandeur 
                          Marcher toute la journée 
                          Mais je n’songeais pas aux rigueurs 
                          De l’hiver, ni au fait qu’j’ai peur 
                          Des chiens, des chats et des escaliers 
                        J’ai 
                          même voulu devenir dompteur 
                          De lions dans un cirque et mon cœur  
                          Me disait « tu as trouvé » 
                          Mais j’aime pas voyager, j’ai horreur 
                          Des trapézistes et des jongleurs 
                          Et les clowns m’ont toujours effrayé 
                        J’ai 
                          pensé faire pompier 
                          J’ai pensé faire boxeur 
                          J’ai pensé piloter des avions 
                          Mais j’suis une poule mouillée 
                          J’suis moins costaud qu’ma sœur 
                          J’ai peur des attentats, j’aime pas les 
                          ascensions 
                        J’ai 
                          pensé musicien 
                          Comédien ou danseur 
                          J’ai même écrit quelques scénarios 
                          Mais j’ai des pouces plein les mains 
                          J’ai les planches en horreur 
                          Et la verve d’un auteur de romans-photos 
                        J’ai 
                          des trous dans les dents 
                          Des trous dans les poches et pourtant 
                          Je vois la vie en rose 
                          J’lis pas les modes d’emploi 
                          J’aime pas les canevas qu’on m’impose 
                        J’ai 
                          des trous dans les dents 
                          Des trous dans les poches et pourtant 
                          Ma vie n’est pas morose 
                          J’ai j’té le mode d’emploi 
                          Du bonheur sous hypnose 
                          J’ai j’té le mode d’emploi 
                          Qui fait des vies moroses 
                        Paroles 
                          : Hugo Fleury 
                          Musique : Hugo Fleury et Polémil Bazar 
                           
                           
                          Les 
                          chiffres vont parler 
                          Les 
                          techniciens sont débordés, on sent bien 
                          la nervosité 
                          Treize écrans géants à monter, 
                          toute la sono à balancer 
                          Sept caméras pour le podium, douze pour une foule 
                          de deux cents hommes 
                          Quatorze pour la table d’honneur et plusieurs 
                          autres à l’extérieur 
                        Un, 
                          deux, trois, test de micro, on rajoute un p’tit 
                          peu d’écho 
                          Ça donne un effet de grandeur aux mauvais orateurs 
                          Un p’tit gel orange en façade pour colorer 
                          leur ton maussade 
                          Un décor des plus mauvais goûts, rempli 
                          d’affreux logos partout 
                        Dans 
                          quelques heures le show va commencer 
                          Sauf que personne va chanter, ni danser 
                          Ce soir les mots seront comptés  
                          Ce soir les mots seront pesés 
                          Ce soir le bilan déposé 
                          Ce soir les chiffres vont parler 
                        Les 
                          tables sont enfin montées mais l’maître 
                          d’hôtel est tracassé 
                          Les quatre-vingt-trois cuisiniers le questionnent sur 
                          la quantité 
                          De câpres et de rondelles d’oignon à 
                          servir avec le saumon 
                          Et qu’en est-il du wasabi : à côté 
                          ou dedans l’sushi? 
                        « 
                          Deux cents couverts fois sept services, mes amis, soyons 
                          réalistes 
                          C’est deux mille plats sous la normale d’un 
                          congrès libéral! 
                          Passez-leur du vin ordinaire; y’a pas plus cheap 
                          qu’un millionnaire 
                          Mettez l’paquet sur l’apparence et servez 
                          des portions immenses » 
                        Dans 
                          près d’une heure le show va commencer 
                          Retransmis en direct à la télé 
                          Ce soir les mots seront comptés  
                          Ce soir les mots seront pesés 
                          Ce soir le bilan déposé 
                          Ce soir les chiffres vont parler 
                        Les 
                          derniers détails à régler, la tension 
                          ne cesse de monter 
                          Le quatuor vient d’arriver, on cherche un coin 
                          pour l’installer 
                          Le maître de cérémonie, un vieil 
                          humoriste fini 
                          Pousse les limites du pathétique en voulant faire 
                          son p’tit comique 
                        Ça 
                          grouille partout, faut faire ça vite, on court, 
                          on s’énerve, on palpite 
                          Les actionnaires dans le lobby fument et s’inquiètent 
                          aussi 
                          On sait qu’l’année fut un calvaire, 
                          l’action chutait encore hier 
                          Quatre-vingts milliards de profits c’est moins 
                          que c’qu’on avait prédit 
                        Dans 
                          une demi-heure le show va commencer 
                          De quelle humeur sera le PDG? 
                          Ce soir les mots seront comptés  
                          Ce soir les mots seront pesés 
                          Ce soir le bilan déposé 
                          Ce soir les chiffres vont parler 
                        Tout 
                          est fin prêt pour démarrer, malgré 
                          le stress et l’anxiété 
                          Les actionnaires sont attablés, les serveurs 
                          attendent le OK 
                          Réunion de l’équipe technique, le 
                          réalisateur panique 
                          Il explique pour la vingtième fois le début 
                          du show à haute voix :  
                        « 
                          On ouvre sur un jet privé qui atterrit sur Grande-Allée 
                          Au milieu du peuple ébloui qui, bien sûr, 
                          applaudit 
                          Le PDG sort de l’avion, sourire figé, sans 
                          émotion 
                          Monte en calèche, salue la foule, arrive au Château 
                          et ça roule… » 
                        Dans 
                          dix secondes le show va commencer 
                          Vous pouvez servir le saumon fumé 
                          Ce soir les mots seront comptés  
                          Ce soir les mots seront pesés 
                          Ce soir le bilan déposé 
                          Ce soir les chiffres vont parler 
                        Paroles 
                          : Hugo Fleury  
                          Musique : Thierry Gateau et Polémil Bazar 
                         
                          Les 
                          viscères 
                          Jamais 
                          plus vous n’aurez à faire la paix  
                          Quand vous n’ferez plus la guerre 
                          Jamais plus vous n’aurez à vous parler 
                           
                          Quand tout s’ra mis au clair 
                          Jamais plus vous n’aurez à faire semblant 
                           
                          Quand vous s’rez transparents 
                          Jamais plus vous n’aurez à vous trahir 
                           
                          Quand vous s’rez solidaires 
                        En 
                          attendant la venue d’un nouveau messie sur terre 
                          Ou d’une machine à faire tourner le vent 
                          J’invite cordialement les foies et les cœurs 
                          à rester des viscères 
                          Et tout l’monde à finir la nuit vivant 
                        Jamais 
                          plus vous n’aurez à croire les faits  
                          Quand y’aura plus d’histoires 
                          Et jamais plus vous n’pourrez vous cacher 
                          Quand on f’ra la lumière 
                          Jamais plus vous n’aurez à faire d’efforts 
                          Lorsque vous serez morts 
                          Jamais plus vous n’pourrez vous évader 
                           
                          Quand vous s’rez libres et fiers 
                        Si 
                          jamais l’envie vous prenait, l’envie du 
                          beau, l’envie du vrai 
                          Celui d’édifier quelque chose, envie qu’on 
                          s’bouge, envie qu’on ose 
                          Détourner le cours du destin, tenter de freiner 
                          le déclin 
                          Envie de croire en ce qu’on est, de ne plus jamais 
                          dire jamais 
                        Ne 
                          rien attendre d’aucun dieu, de quelconque manière 
                          Et s’arranger pour faire tourner le vent 
                          Quand vous irez debout, la foi en vous et le cœur 
                          grand ouvert 
                          Alors j’irai vous rejoindre en courant 
                          Ensemble, on finira la nuit vivant 
                        Paroles 
                          : Hugo Fleury 
                          Musique : Hugo Fleury et Polémil Bazar 
                         
                          L’usure 
                          On 
                          naît tous la tête à l’envers 
                          et l’crâne écrabouillé 
                          On naît tous tout nu comme un ver et plutôt 
                          contrarié 
                          On naît dans un curieux mélange de douleur 
                          et beauté 
                          On est un amalgame étrange d’un tas d’ambiguïtés 
                        On 
                          d’vient, au hasard des tempêtes et des routes 
                          empruntées 
                          On d’vient de bizarres girouettes, farouches et 
                          entêtées 
                          On d’vient des moutons conformistes ou des chiens 
                          enragés 
                          Mais on d’vient tôt ou tard un peu triste, 
                          amer et fatigué 
                        On 
                          se normalise à l’usure, à force 
                          d’additionner nos blessures 
                          À 
                          force d’impuissance et de brisures; d’encaisser 
                          les coups durs, endurer les brûlures 
                          On se banalise à mesure que nos illusions sont 
                          jetées en pâture aux lions 
                          Et ça nous défigure, nous fissure, dans 
                          nos convictions les plus pures 
                        Nos 
                          meilleures intentions se cassent la gueule sur l’indifférence 
                          profonde d’un monde 
                          Où chacun fait cavalier seul, un monde animal, 
                          cannibale et immonde 
                          Inondé de barbares hostiles et d’abrutis, 
                          saturé de renards aux immenses appétits 
                          Un monde empli d’espoir et d’amour aussi, 
                          encore faut-il y croire, moi j’y réfléchis… 
                        Je 
                          me tâte, je me sonde, je divague, vagabonde 
                          Déambule dans mon monde minuscule, je me gronde 
                          M’en voulant pour je n’sais quelle raison, 
                          je gruge mes ailes 
                          Me cherchant souvent querelle, je me provoque en duel 
                        Moi 
                          contre moi, de bonne guerre, bras d’honneur, bras 
                          de fer 
                          C’est moi contre ma colère, moi contre 
                          tous mes travers 
                          Je me rue de coups d’états d’âme, 
                          je me tue à me crier « rame! » 
                          Mais je prends l’eau comme tous les blâmes, 
                          m’esquintant à sauver ma flamme 
                        On 
                          naît où le hasard nous pose, chanceux ou 
                          mal tombé 
                          On d’vient ce qu’on peut, ce qu’on 
                          ose ou c’qu’on nous a dicté 
                          On meurt, qu’on soit déçu ou fier, 
                          de bon ou mauvais gré 
                          On meurt sans la clé du mystère et la 
                          page est tournée 
                        Paroles 
                          : Hugo Fleury (pour Héloïse) 
                          Musique : Thierry Gateau et Polémil Bazar 
                         
                          Aux 
                          quatre coins de la sphère 
                          Au 
                          sud, en amont du grand fleuve contaminé de fiel 
                          Se dresse un palais buvant la lumière 
                          Au faîte de ce château pleuvent des flammes 
                          vers le ciel 
                          Le feu du sang extorqué à la terre 
                          Le magnat de ces fourneaux déverse dans l’azur 
                          Un parfum de plomb riche et délétère 
                          Ce Roi, impassible salaud, cinglant de démesure 
                          Transforme l’or, les forêts, l’eau 
                          et l’air 
                        À 
                          l’est, au-delà de la mer, un désert, 
                          un royaume 
                          Où des soleils se lèvent au cœur 
                          de la nuit 
                          Le mal étranger, mercenaire, a pénétré 
                          le dôme 
                          Et la mort s’y porte mieux que la vie 
                          Il puise, épuise et colporte sa morale guerrière 
                          Et rapporte son butin, ses barils 
                          Ailleurs, dans de riches cohortes, hypocrites et prospères 
                          Loin de l’épicentre des barbaries 
                        Aux 
                          quatre coins de la sphère, un avant-goût 
                          de l’enfer 
                          Et v’là qu’on s’demande pourquoi 
                          ça n’tourne pas rond? 
                          En cette ère de l’éphémère, 
                          des aveugles visionnaires 
                          Mènent le monde, méprisant la raison 
                        Au 
                          nord, un désert boréal, beau et blanc, 
                          tout de neige 
                          S’érode comme sagesse et savoir 
                          Soumis, un peuple immémorial, mille fois pris 
                          au piège 
                          Impuissant, voit fondre terre et espoir 
                          Le Roi se réjouit de la fonte car une voie se 
                          dessine 
                          Un raccourci pour ses bateaux de guerre 
                          Que diable si les marées montent, les tempêtes 
                          assassinent 
                          Les tours sont loin du niveau de la mer 
                        À 
                          l’ouest, chez le nombril du monde, la paranoïa 
                          règne 
                          Et la liberté n’a qu’une seule couleur 
                          On dort sur un volcan qui gronde, on cultive la haine 
                          En chantant la Mélodie du bonheur 
                          Outrances et gaspilles à la chaîne sont 
                          au menu du jour 
                          Et le je-m’en-foutisme fait la loi 
                          Et tourne la roue qui ramène et ramènera 
                          toujours 
                          L’homme à la bête et les richesses 
                          au Roi 
                        Chez 
                          moi, des idées noires abondent : la honte, la 
                          colère 
                          Et le fantasme de voir s’effondrer 
                          Ces tours de feu nauséabondes, cet empire pervers 
                          D’indifférence et d’inhumanité 
                          Ici, dans mon cœur, dans ma bulle, au lieu d’une 
                          prière 
                          Un espoir difficile à formuler 
                          Fragile, naïf et minuscule; une bouteille à 
                          la mer 
                          Espoir qu’enfin tout pourrait basculer 
                        Aux 
                          quatre coins de la sphère, dans un éclat 
                          de lumière 
                          Les voix se libèrent et entament à l’unisson 
                          Un chant pour la Terre Mère sur un air salutaire 
                          D’où jaillit l’espoir, triomphe la 
                          raison 
                        Paroles 
                          : Martin Desjardins et Hugo Fleury 
                          Musique : Martin Desjardins et Polémil Bazar 
                         
                          Qu’à 
                          cela n’tienne 
                           
                          J’ai comme une sale impression de doute 
                          Une sale commune impression de coûte que coûte 
                          Je sens qu’on m’attend au tournant, je sens 
                          qu’on me guette 
                          Je sens fuir le temps, je sens le doigt plier sur la 
                          gâchette 
                        Sous 
                          le poids d’une pression tenace 
                          Trop de choix qui se feront à pile ou face 
                          Trop d’avis contraires et trop de chiffres à 
                          recompter 
                          Trop de choses à faire avant de vous laisser 
                          monter 
                        J’ai 
                          comme une sensation de déroute 
                          Une virulente appréhension de banqueroute 
                          De mise en demeure, d’effondrement, de soumission 
                          J’pressens la douleur d’une sentence à 
                          vie sans rémission 
                        Sous 
                          le poids des dégénérescences 
                          Trop de nous qui sombrons dans la complaisance 
                          Trop d’pieds dans l’ciment et trop peu de 
                          bonne volonté 
                          Si peu d’éléments sur lesquels on 
                          peut influer  
                        Mais 
                          qu’à cela n’tienne, j’monterai 
                          dans l’train qui va passer 
                          Le prochain qui m’emmène, peu importe où 
                          j’aboutirai 
                          À la croisée des ch’mins, dans un 
                          cul-de-sac ou au sommet 
                          Du Glacier des Chagrins, sur le pont des Si, chez les 
                          Ouimais 
                        Que 
                          l’envie me vienne d’aimer, d’haïr 
                          ou d’ignorer 
                          La vie, la mort, les peines et les petites joies bigarrées 
                          J’me débarrasse du contre, j’mets 
                          l’feu aux poudres et aux planches 
                          Et j’reste avec l’idée qu’chez 
                          nous c’est tous les jours dimanche 
                        J’ai 
                          comme une incision dans la voûte 
                          Comme une balle perdue rencontrée sur ma route 
                          J’attire les voleurs de bonne foi et de compassion 
                          J’aspire les malheurs par quelque noble élan 
                          d’aliénation 
                        Sous 
                          le poids de fatales ignorances 
                          Trop 
                          de voies condamnées par la Providence 
                          Trop pressé de faire advenir quatre volontés 
                          Trop tard pour se taire et trop sérieux pour 
                          en parler 
                        Y’a 
                          de la grisaille, c’est demain la veille 
                          Fermez les yeux, bouchez vos oreilles 
                          Deux cheveux nous tiennent encore à quelque chose 
                          Quoi qu’il advienne, ce n’sera sûrement 
                          pas rose 
                        Un 
                          tas d’ferraille brûle au soleil 
                          Faites un grand vœu, videz votre bouteille 
                          Deux cheveux nous tiennent encore à cette forme 
                          de vie  
                          Quoi qu’il advienne, ce sera forcément 
                          pas joli 
                        C’est 
                          l’heure de traverser le pont 
                          L’heure de s’éveiller pour de bon 
                          C’est demain la veille 
                        Paroles 
                          : Hugo Fleury 
                          Musique : Martin Desjardins et Polémil Bazar 
                         
                          L’homme 
                          tonneau 
                           
                          Un barbare vaque, saccage au gré 
                          Du temps, des jambes et des idées 
                          Sape et s'en pourlèche de tourments 
                          Son monde en ruines s'apparente 
                          Au sillage noir creusé à même 
                          Un visage avide de rien 
                          Livide, blafard, ensorcelé 
                          Par un manque d'envie plein les mains 
                        Un 
                          chantier porte sur son dos 
                          Un mirage, l'ombre d'un tonneau 
                          Percé de balles venues de l'ouest 
                          Là où les sans-histoires se bercent 
                          Se bercent de leurs simples acquis 
                          Parlent de rien, parlent d'ici 
                          Achètent un mort, vendent ses habits 
                          Ceux-ci se battent, ceux-là aussi 
                        On 
                          a plaqué sur ma peau 
                          Un homme chevauchant un tonneau 
                          S'élance, vole, lève le poing 
                          Et l'objet lui glisse des mains 
                          Tombe et transperce mon crâne et puis 
                          Change l'homme en or, brûle et construit 
                          Une statue noire sur leurs terres 
                          Avec un flambeau à la main 
                        Un 
                          charognard sculpté à même 
                          Un lingot d’or, une poignée de main 
                          Dévasté, bouffé par les vers 
                          Pourri doucement, crache et s'éteint 
                        Paroles 
                          : Josianne Laberge 
                          Musique : Antoine Bretel et Polémil Bazar 
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